2007-08-31

Die Puppe aus Osaka


Traditionnellement, pour montrer qu’il a grandi, un enfant rejette ses anciens jouets. Tel un rite de passage, l’abandon de la poupée pour la petite fille désigne cette sortie de l’enfance. En Grèce classique, la poupée de la petite fille était offerte en offrande à la déesse Korè à la veille de son mariage. Cet aspect se retrouve peu dans la littérature de jeunesse. Maria Grippe indique la maturité que sa jeune héroïne trouve avec la disparition, du jour au lendemain, de la poupée qui l’avait épaulée dans la quête de ses origines.

De ce processus de croissance qui s’achève, la littérature de jeunesse met en avant l’aspect le plus spectaculaire : la mise à mort de la poupée. Une vraie mise à mort, comme lorsque les jeunes filles d’Attique allaient pendre à une branche d’arbre leur poupée, accomplissant un rite expiatoire. On voit bien l’autre signification latente pour ces jeunes filles : elles tuaient symboliquement l’enfant qu’elles étaient.

La poupée d’enfance de la grand-mère de Barbara, l’héroïne de Gudule dans La poupée aux yeux vivants, finit en morceaux et soigneusement enfermée dans une boîte, dans le tiroir d’une commode. Accusée par la grand-mère d’avoir gâché sa vie, la poupée, retrouvée piétinée et cassée, subit alors la désaffection de la petite fille. Les relations entre les petites filles et leur poupée sont faites d’élan d’amour et de haine. Ici, Gudule, enterre symboliquement cette poupée dans un placard, et ajoute à son histoire que la grand-mère l’a gardée auprès d’elle toute sa vie pour qu’elle ne puisse plus nuire. Cette dernière explication souligne pourtant un autre aspect de cette relation amour-haine. La grand-mère n’a pas pu se séparer de sa poupée tant aimée. Il est difficile de s’émanciper de ce lien. C’est également ce que démontre Cécile Bertrand dans son album consacré à la relation enfant-poupée, Toi mon adorée. Le thème est traité par vingt-cinq saynettes. Dix sont consacrées au rejet et à la haine que la poupée finit par inspirer à l’enfant. Cinq sont clairement des tentatives d’assassinat : la découper à la scie, la pendre, l’empoisonner, l’enterrer vivante, la jeter, mais la poupée résiste et reste toujours aux côtés de la petite fille. Graphiquement, le lien entre la poupée et l’enfant est matérialisé durant cette phase de rejet. La poupée ressemble à une prothèse : elle est greffée aux bras de l’enfant et remplace sa main gauche. L’allégorie est claire : la poupée fait partie de l’enfant, et arrivé à un certain âge, il est bien difficile et long pour un enfant de grandir alors qu’il est dans l’attente d’être un grand. Les sentiments décrits ici par l’auteur sont les mêmes chez tous les enfants, fille ou garçon. Et l’auteur l’exprime bien au travers d’un parallèle sous-entendu. La petite fille rencontre un petit garçon à la fin de l’album. Celui-ci a une attitude symétrique à celle de la gamine. Tous les deux laissent tomber par terre leur poupée pour tomber dans les bras l’un de l’autre. Et au regard de l’état de la poupée du garçon, on imagine aisément les mauvais traitements qu’elle a subis. Il est intéressant de noter que cet album finit par la rencontre entre une fille et un garçon. Faut-il y voir une réminiscence de la situation des jeunes filles de l’antiquité qui quittaient leur poupée pour se marier ?

[Julie Foulon, La Poupée dans la Littérature de Jeunesse, 2002, 1.2 La Mise à Mort de la Poupée]


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